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L'authentification par certificats x.509 et smartcard
Introduction
Depuis toujours, l'authentification sur des systèmes informatique est principalement régie par l'utilisation du couple identifiant / mot de passe. C'est pourtant un facteur d'identification peu fiables : utilisation du même mot de passe pour plusieurs - voir tous les - services, mot de passe faible, progrès technique rendant leur cassage plus efficaces etc. Dans un communiqué de presse du W3C et de l'Alliance FIDO, "les mots de passe volés, faibles ou par défaut sont à l'origine de 81% des atteintes à la protection des données".
Il existe des solution pour pallier cette faiblesse, avec notamment l'introduction d'un ou plusieurs autres facteurs d'authentification (TOTP, SMS etc.), ou les gestionnaires de mots de passe (keepass, LastPass ...).
L'authentification par certificats semble être une alternative intéressante au traditionnel mot de passe. Nous allons dans ce mémoire étudier son fonctionnement, parler de son intégration dans GNU/Linux, parler de sa mise en œuvre et tenter d'exposer ses limites.
La norme X.509
La norme X.509 régissant les formats les format pour les certificats à clé publique. Elle est définie par l'Union Internationale des Télécommunications et établie :
- Le format de certificat
- La liste de révocation des certificats
- leurs attributs
- un algorithme de validation de chemin de certificats
Contrairement à OpenPGP qui repose sur une toile de confiance, X.509 repose sur les autorités de certifications : un tiers de confiance délivre les certificats et fournit les moyens de les vérifier.
Les certificats X.509 sont donc composé de deux éléments : une partie publique et une partie privée. Ces certificats peuvent assurer plusieurs rôles
PKI - Infrastructure à clefs publiques
Une infrastructure à clefs publiques est un ensemble d'éléments, qu'ils soient humain, matériels ou logiciels, destinés à gérer les clefs publiques des utilisateurs d'un système.
Cette infrastructure est utilisée pour créer, gérer, distribuer et révoquer des certificats
La PKI elle va te crypter l'Internet du digital
Sur Internet, les différentes autorités de certifications assurent les rôles de PKI : Elle fournissent l'infrastructure pour gérer les certificats permettant le fonctionnement du chiffrement TLS.
Une SmartCard?
Maintenant que nous avons parlé de la norme X.509, nous allons parler de notre startcard. D'après Wikipedia (source) :
Une carte à puce est une carte en matière plastique, voire en papier ou en carton, de quelques centimètres de côté et moins d'un millimètre d'épaisseur, portant au moins un circuit intégré capable de contenir de l'information. Le circuit intégré (la puce) peut contenir un microprocesseur capable de traiter cette information, ou être limité à des circuits de mémoire non volatile et, éventuellement, un composant de sécurité (carte mémoire).
Vous utilisez tous les jours une SmartCard : votre carte SIM, votre carte bancaire...
Les smartcards qui nous intéressent ici contiennent un espace de stockage, un microprocesseur et un coprocesseur pour accélérer les opérations cryptographiques.
Comme vous pouvez le voir, il n'y a pas de connexion directe entre les contacts et la mémoire. Pour des raisons évidente de sécurité, tout passe par le système d'exploitation de la carte. Il en existe une multitude (JavaCard Operating System, MULTOS, OpenPGP Card, Gnuk etc.)
Création, stockage et utilisation de certificats
Dans le cas qui nous intéresse, la carte à puce permet de stocker le certificat et de l'utiliser. Lors de son utilisation, un code PIN sera demandé, le certificat contenu pourra alors être utilisé pour s'authentifier, signer ou chiffrer.
Certaines Smartcard permettent la génération de certificats.
Le Web plus accessible aux authentifications par certificats
Aujourd'hui, l'un des principaux défauts de l'authentification par certificats, c'est qu'elle n'est pas déployée largement : seul un petit nombre de services l'utilisent.
Cependant, supporté par le constat que les mots de passe perdent en efficacité, le standard WebAuthn (pour Web Authentication) a récemment été créé et publiée par le W3C. Ce standard définit une API destinée aux navigateurs, aux applications web et aux autres plateformes nécessitant une authentification forte basée sur clés publiques.
Les grands du Web ont déjà ont déjà mit en place le support de WebAuthn sur leurs outils : Windows 10, Android, Google Chrome, Mozilla Firefox, Microsoft Edge et Safari. L'apparition de ce standard va sans aucun doute encourager une adoption plus large de ce type d'authentification.
Attaque sur les smartcard
Attaques par canal auxiliaire
Les attaques par canal auxiliaire regroupe les attaques qui tentent d'exploiter des failles sur l'implémentation des procédures de sécurité plutôt que sur les procédures elles-mêmes. Voici une liste de types d'attaques par canal auxiliaire sur lesquels on va s'attarder car elles touchent les smartcard :
Attaque par sondage
Particulièrement invasive, elle consiste à détériorer suffisamment une puce pour avoir un accès physique aux bus et y lire les bits qui y passent. Il est à noter que cette attaque est très difficile à mettre en place car elle nécessite du matériel de pointe (oscilloscope très précis, chronométrage du passage des bits...), de la rigueur et de la précision sur la détérioration de la puce, etc.
Analyse de consommation
En fonction des opérations résolues par un processeur, sa consommation en énergie diffère. En étudiant les variations d'énergie utilisée par un lecteur de cartes, il est possible de trouver des indices sur la clé privée, sur un échantillon suffisant. Aujourd'hui, cette attaque peut être aisément contrecarrée en apposant du bruit sur le circuit ou en le blindant.
Analyse d'émanations électromagnétiques
Semblable à l'Analyse de consommation, à ceci prêt qu'on ne s'attache pas, cette fois ci à, l'énergie consommée mais au rayonnement électromagnétique émis par un appareil. A l'instar de la consommation en énergie, le rayonnement n'est pas le même en fonction des opérations exécutées par le terminal. L'étude du rayonnement thermique peut s'apparenter à une analyse d'émanations électromagnétiques.
Attaque par faute
Le principe ici est de provoquer des erreurs pour que le système réagisse de manière inhabituelle sur les opérations de chiffrement et laisse des indices sur la clé de chiffrement.
Attaque temporelle
Le temps que met un algorithme à s'exécuter donne parfois des indices sur la constitution d'une clé entrée en paramètre dans cet algorithme, comme le nombre de bits à 1. A elle seule, cette attaque ne donne pas beaucoup d'informations, mais elle peut être combinée avec d'autres attaques pour en augmenter son efficacité.
Attaques sur les PKI
Même si elle ne touchent pas directement les smartcard, Il est intéressant de parler des attaque sur les infrastructures à clé publiques.
Collision MD5
Le MD5 (pour Message Digest 5) est un algorithme de hachage cryptographique permettant d'obtenir l'empreinte d'un fichier / d'une chaine de caractères. Elle a été inventée par Ronald Rivets en 1991 pour succéder à MD4.
Il doit être considéré comme obsolète depuis 1996, années de découverte d'une faille dans l'algorithme ouvrant la voie à des collisions. En 2004 une équipe de chercheurs chinois menés par la mathématicienne Wang Xiaoyun démontre la faisabilité d'une collision complète. Mais cette attaque n'est pas encore suffisamment sophistiquée pour être utilisée sur un cas concret. Wang, Lenstra et de Wegner feront la démonstration de leur attaque sur deux certificats X.509 différents ayant la même signature MD5 en 2006.
Attaque par collision
Une attaque par collision est menée sur une fonction de hashage cryptographique afin trouver deux entrées différentes donnant lieux au même résultat. Comme la plupart des fonctions de signature électronique le font sur le hash d'un document plutôt que sur le document lui-même. Ainsi s'il est possible de produire deux documents avec le même hash, leurs signatures sera strictement la même. Il suffit alors d'envoyer à l'autorité de certification le document légitime et copier la signature obtenue sur le document frauduleux.
Attaque par collision avec préfixe choisi
Dans le cadre de certificats, les choses se compliquent un peu : c'est l'autorité de certification qui génère le certificat en fonction des informations contenues dans le CSR. L'attaquant doit alors manipuler les données contenues dans le CSR qu'il envoie et y intégrer des blocs de collision pour annuler les différences entre les hashes du certificats obtenu et celui forgé. Il va jouer sur le préfixe du CSR, d'où le nom de l'attaque.
Ce type d'attaque n'est cependant pas aisé, l'attaquant devra anticiper certaines informations qui seront intégrées dans le certificat produit par l'autorité. Certaines pourront être influencées comme le champ CN, d'autres récupérées sur d'autre certificats signés par la même autorité (le contenu des champs issuer par exemple) et enfin d'autres devront être "devinées" 1 - numéro de série du certificat et date d'expiration -
Une telle attaque a été démontrée en décembre 2008 par une équipe de chercheurs menée par Sotirov et Stevens. Ils ont ainsi pu obtenir un certificat à même de signer n'importe quel autres certificats et reconnu par les principaux navigateurs de l'époque.
Une technique similaire a été utilisée par le malware Flame découvert en 2012. Il usurpait une signature de code Microsoft pour se propager au travers de Windows Update.
Attaque par oracle de padding
Ce type d'attaque a été mené avec succès sur différents périphériques cryptographiques par un équipe de recherche internationale. Leurs travaux a donne lieu ã une publication en avril 2012.
Ils on pu ainsi extraire les clefs privées de la plupart des périphériques disponibles sur le marché quel que soit leurs marques.
La première démonstration pratique de cette attaque a été faite par Daniel Bleichenbacher alors chercheur en cryptographie chez Bell Laboratories
fonctionnement de cette attaque
Fonctionnement du chiffrement par bloc
Avant de rentrer plus en détail dans le fonctionnement de l'attaque par oracle de padding, il est nécessaire d'expliquer le fonctionnement du chiffrement par bloc. Il exxiste une multitude de chiffrement par bloc, nous resterons sur le mode CBC Cipher Block Chaining.
Pour éviter l'apparition de motifs dans le bloc chiffré qui pourrait faciliter la création de "dictionnaire de code", le mode CBC utilise le précédent bloc chiffré pour réaliser une opération booléenne avec le bloc actuel en clair avant de le chiffrer. Pour le premier bloc à envoyer, CBC utilise un vecteur d'initialisation.
Contrairement au chiffrement de flux, le chiffrement par bloc nécessite une taille de donnée définie en entrée. Si les données sont trop importante, il faut les découper, si elle sont plus petite on utilisera la technique du padding.
txt_dechiffre[n] = dechiffrer(c_block[n]) ⊕ c_block[n-1]
Le padding
Dans notre exemple, notre bloc doit faire 128 bits mais les données ne
représente que 104 bits [1]. Nous allons donc rajouter trois octets avec pour
valeur hexadécimale 0x03
qui représente le nombre d'octets manquant [2].
L'attaque par oracle de padding
Une oracle de padding est un mechanisme prenant un bloc chiffré en entrée, de déchiffre et averti l'utilisateur si le padding est correct ou non.
Le chiffrement par bloc en mode CBC a un énorme défaut : l'intégrité des
messages n'est pas vérifiée. Du coup un attaquant peut modifier le résultat
de txt_dechiffre[n]
en modifiant c_block[n-1]
, ou tout simplement en le
forgeant à notre convenance.
Prenons X
comme bloc de chiffrement forgé pour l'occasion, et c_block[a]
bloc de chiffrement à attaquer, nous pouvons écrire :
t_clair_hack[a] = dechiffrer(c_block[n]) ⊕ X
Nous savons aussi que :
c_block[a] = chiffrer(txt_clair[a] ⊕ c_block[a-1])
Donc on peut écrire :
t_clair_hack = dechiffrer(chiffrer(txt_clair[a] ⊕ c_block[a-1])) ⊕ X
# et en simplifiant
t_clair_hack = txt_clair[a] ⊕ c_block[a-1] ⊕ X
Cette équation se compose de deux éléments que nous avons en notre possession :
X
notre bloc forgé et c_block[a-1]
notre avant-dernier bloc, et deux
éléments inconnus : t_clair_hack
le résultat en clair de la manipulation de
notre attaque et txt_clair[a]
le résultat du déchiffrement de c_block[a]
.
Il n'est plus question ici de chiffrement, mais de simples opérations booléenne.
Comme nous avons accès à une oracle de padding nous n'avons qu'a tester
toutes les valeurs du dernier octet de X
jusqu'à obtenir un padding correct
(0x01
). Dans le cadre de notre block de 16 octets :
0x01 = txt_clair[a][15] ⊕ c_block[a-1][15] ⊕ X[15]
Il ne nous reste plus qu'une inconnue, nous pouvons résoudre l'équation.
Il suffit de procéder ainsi pour les 16 octets de notre bloc pour le déchiffrer en entier, et ainsi de suite...
C'est bien entendu une version simplifiée de l'attaque par padding oracle, mais elle permet de comprendre son fonctionnement. Elle fut au centre des travaux de recherche menés par Romain Bardou, Riccardo Focardi, Yusuke Kawamoto, Lorenzo Simionato, Graham Steel, et al. donnant lieu à une publication. Ces travaux permirent, en 2012, l'extraction des clés privées de beaucoup de périphériques de cryptographie (PKCS#11) de marques différentes. Les chercheurs ont par ailleurs largement améliorer les algorithmes de Bleichenbacher pour accélérer sensiblement les performances, surtout sur les appareils peu puissant comme les smartcards.
Conclusion
Bibliographie
Stéphane Bortzmeyer RFC 5280: Internet X.509 Public Key Infrastructure Certificate and Certificate Revocation List (CRL) Profile
Ivan Ristić BulletProof SSL and TLS
Pixis Padding oracle
Romain Bardou, Riccardo Focardi, Yusuke Kawamoto, Lorenzo Simionato, Graham Steel, et al.. Efficient Padding Oracle Attacks on Cryptographic Hardware. [Research Report] RR-7944, 2012, pp.19.
Marc Zaffagni CNETfrance.fr : Vers la fin des mots de passe ? WebAuthn est désormais un standard du web
W3C Web Authentication: An API for accessing Public Key Credentials
Wikipedia Attaque de collisions, Attaque par canal auxiliaire
-
Prédites serait plus adapté, dans l'attaque menée par Sotirov et Stevens, l'équipe de chercheurs a réussi prédire ces deux éléments en étudiant le fonctionnement de l'autorité de certification utilisée. ↩︎